Vinet
Alexandre
Vinet, descendant d’une famille huguenote chassée de France à cause de sa foi,
est
né à Lausanne le 17 juin 1797 et décédé à Clarens le 4 mai 1847. Historien,
théologien et critique littéraire, Vinet est l’un des penseurs du christianisme
les plus brillants de son temps. Certains parmi ses proches n’hésitent pas à le
placer au même rang que St Augustin, Calvin ou Luther. Défenseur acharné de la
vérité jointe à la liberté, Vinet en a défendu les intérêts jusqu’à son dernier
souffle. Liberté, ordre et christianisme étaient à son sens trois choses
corrélatives et absolument inséparables. « L’une appelle nécessairement
les deux autres et aucune ne saurait prétendre exister et faire ses affaires
isolément, disait-il. » Tout le génie de Vinet tient à la démonstration
que liberté et vraie religion ne sont pas ennemies, mais compagnes. « Le
christianisme, disait Vinet, est dans le monde l’immortelle semence de la
liberté. »
Liberté
et christianisme
La
conviction de Vinet lui valut des ennemis dans deux camps antagonistes. Le premier
était le camp de ceux pour qui l’extirpation du christianisme était la
condition du salut de la liberté ; le second était celui de ceux qui
prônaient l’enchaînement de toute liberté au profit du christianisme. Vinet
dénonçait avec vigueur l’alliance du despotisme avec le christianisme, une
alliance contraire à sa nature. Il n’avait de cesse de combattre ce déplorable
divorce entre les deux partis, divorce toujours présent dans les esprits
aujourd’hui.
Vinet
plaidait pour, qu’au lieu de consumer leurs forces dans des luttes stériles,
les tenants du christianisme et de la liberté les mettent en commun car, aucun
ne triompherait sans l’autre. Vinet était un visionnaire. A ceux qui ne veulent
se préoccuper que des seuls intérêts de la liberté, il rappellera que « partout
où le rayon divin n’est pas descendu, le libéralisme n’est qu’affaire de
logique ou d’orgueil. La liberté sans la foi fait crouler les nations. La conscience
du droit séparée de celle du devoir conduit à la ruine. Seules des convictions
morales, spirituelles fortes peuvent donner aux peuples libres de supporter le
fardeau de la liberté. La liberté sans le christianisme est une théorie
stérile, une confédération des égoïsmes, et même, au-delà des apparences, un
pas rétrograde vers la vie sauvage. En un mot, là où elle devrait être salut,
elle devient ruine de l’humanité, et là où elle devrait être sa gloire, elle
est sa honte… » « Une chose voulue par le plus grand nombre, dira
Vinet, n’est ni juste ni sociale par cela seul ; elle peut être, au contraire,
exécrable et subversive de toute société, et, fût elle voulue par tous à la
fois contre un seul, elle ne doit point se faire ! »
Toutes
les libertés modernes, affirme Vinet, sont filles du christianisme. Elles sont
la dot que la religion de Christ a apportée aux Etats. A la base, sur le front,
au faîte de l’édifice
majestueux élevé par le Christ, partout brille ce mot qui
réjouit l’espèce humaine dégradée : liberté. « Les chrétiens, dit
Vinet, doivent se rappeler qu’ils ont dans leurs mains la solution du problème
social, et le double principe, admirablement un, de la liberté et de l’obéissance.
C’est là le sel dont, au point de vue social, ils doivent saler la terre. »
Et encore : « Une liberté qui n’obéit point est un pur non-sens ;
car c’est pour obéir que nous sommes libres. Quiconque aime l’ordre sans aimer
la liberté, n’aime pas l’ordre, et quiconque aime la liberté sans aimer l’ordre,
n’aime pas la liberté. »
Littéraire,
Vinet travaillait à la réhabilitation des mots. Un des maux principaux du monde
venait, selon Vinet, du fait que les mots, qui étaient venus du ciel pour
définir les concepts voulus par Dieu, avaient été déshonorés. « Pourquoi
donc abuse-t-on des mots de liberté, de religion ou de philosophie, des choses
sublimes et saintes ? C’est parce qu’elles sont grandes, et qu’elles
peuvent, détournées de leur sens, devenir le prétexte de grands maux. L’âme
humaine ne s’exalte pas de ce qui est bas… Ce n’est pas parce que la liberté a
été inscrite par des mains profanes sur l’étendard de la rébellion, que le
despotisme seul serait de droit divin. » La solution est de réhabiliter le
vrai sens du mot liberté, non de l’éradiquer !
166
ans après la mort de Vinet, ses paroles n’ont rien perdues de leur pertinence.
C’est pour le fait de ne pas les suivre que notre monde occidental, héritier et
séparé du christianisme, s’enfonce dans la ruine… en attendant la sauvagerie…
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