Paul à Ephèse :
Un passage lu, il y a quelque temps, dans la Bible m’a fait réfléchir à cette capacité qui habite dans le cœur de tout être humain, et de Dieu : la capacité d’indignation. Alors que l’apôtre Paul se trouve dans la ville d’Ephèse (en Turquie actuelle), il finit par gagner à l’Evangile un grand nombre d’habitants de cette ville. Le message qu’il annonce ne se centre pas uniquement sur Jésus, le Christ. Paul parle aussi aux éphésiens, adeptes des cultes mythologiques, du présupposé sur lequel repose la prédication du Christ : l’existence d’un Dieu Créateur unique, incréé et élevé au-dessus de toute représentation. Si le salut proposé en Christ a une portée universelle, c’est bien d’abord parce qu’ à l’origine, c’est à la même cause que chaque homme, chaque peuple, chaque nation doit son existence.
Adhérant à l’Evangile, les néophytes ont vite compris que leur foi nouvelle est incompatible avec les cultes anciens. Aussi, dans un mouvement unanime, ont-ils délaissé et abandonné les cultes mythiques qu’ils pratiquaient auparavant. Un abandon qui n’est pas sans conséquence pour la ville d’Ephèse, gardienne du temple de la grande Artémis, les produits dérivés qui découlaient du culte faisant vivre avec aisance le commerce local. Tout cela ne manqua pas rapidement de provoquer du remous dans le cœur d’un homme particulièrement concerné par la question : l’orfèvre Démétrius.
Le mécontentement de Démétrius
Habile artisan, Démétrius avait vite compris quels bénéfices ils pouvaient tirer du culte imposant rendu à Artémis à Ephèse. Il se lança donc dans la fabrication de petits sanctuaires familiaux, reproduction à l’identique (ou en mieux) de l’original. Une activité florissante… jusqu’à l’arrivée de ce trouble-fête de Paul. Inquiet pour l’avenir de sa profession, Démétrius ne manqua pas d’alerter tous les artisans de sa corporation. Il invoqua en premier le danger que faisait courir le nouveau message pour l’avenir de la profession. Les intérêts particuliers de la profession ne constituant cependant pas un argument suffisamment mobilisateur, Démétrius changea de registre. Il évoqua le triste développement que pouvait avoir, pour l’avenir du culte rendu à la déesse, le nouveau message auquel adhéraient déjà tant d’éphésiens. (Imaginez ce que serait Lourdes si le culte marial, et ses produits dérivés, venait à disparaître !).
Emeute
Indignés, le sang des habitants de la ville ne fit qu’un tour. Un attroupement considérable se créa dans le théâtre. Luc fait remarquer avec ironie que, si beaucoup de gens étaient là, la plupart ne savaient pas pourquoi, tant différait dans la foule le contenu des slogans formulés. Une manifestation qui n’est pas sans rappeler parfois celles que l’on rencontre encore de nos jours où, ensemble, râleurs réunis crient sans avoir de réelle raison commune de crier. Pris en otage dans le mouvement, quelques chrétiens tentèrent bien une explication. En vain ! Ils ne devront leur salut qu’à l’intervention autoritaire du secrétaire de la ville, enjoignant Démétrius à utiliser les voies légales, les tribunaux, s’ils ont quelque chose contre lequel porter plainte.
Sources de l’indignation
Qu’est-ce que l’indignation ? D’où sort-elle et de quoi provient-elle ?
Elle est une réaction naturelle et émotionnelle du cœur qui, outré de ce que l’on touche à un point fondamental de ce qu’il considère comme la réalité, cherche à en défendre le bien-fondé. L’indignation, comme on le voit à Ephèse, touche souvent à ce qui, à nos yeux, est sacré. Aussi, face à l’indignation suscitée en nous à l’écoute d’une nouvelle ou d’une information, devons-nous nous poser quelques questions :
1. Ce pour quoi ou contre quoi je m’indigne porte-t-il réellement le caractère du sacré ? La France est coutumière des manifestations de tous genres. Qu’on touche aux 35 heures ou aux régimes spéciaux des retraites et l’indignation ne tarde pas à se lever. Mais est-elle juste ou justifiée ? Ne ressemble-t-elle pas à celle de Démétrius, en fait davantage préoccupé par ses intérêts qu’à la cause qu’il disait défendre ? Il apparaît donc que, dans de nombreux cas, l’indignation se produit quand on élève des choses qui touchent à son intérêt personnel au rang du sacré. Or, qui peut discuter avec quelqu’un qui prétend que les 35 heures ou le régime spécial de retraite auquel il appartient sont, par nature, intouchables ?
2. Ce pour quoi ou contre quoi je m’indigne est-il en accord avec la réalité ? L’indignation de Démétrius et de la foule avait pour objet un mensonge : celui de croire que les dieux fabriquées par les hommes étaient de vrais dieux. Pris dans un mouvement d’indignation, nous devons avoir le recul nécessaire pour nous demander si la cause que nous défendons est juste, correspond à la réalité, ou n’est que le résultat d’une manipulation. Les récentes émeutes des musulmans contre les caricatures de Mahomet sont à ranger dans cet ordre. Le conflit venait ici du fait que les dessinateurs se sont cru autorisés de pouvoir toucher à la personne du prophète de l’Islam, personne considérée comme sacrée par ses adeptes. Ce qui n’était que raillerie pour les uns était profanation pour les autres. Aussi, la question de fond ici posée est de savoir si Mahomet est digne, preuves à l’appui, d’être considéré comme un être sacré ou non.
Un révélateur
L’indignation agit donc comme un révélateur. Elle met en lumière ce qui, au fond de nos cœurs, représente ce qui, de manière absolue, compte. D’où parfois, le caractère curieux et absurde aux yeux de certains, des choses pour lesquelles d’autres s’indignent, un paradoxe mis en lumière dans le poème de Daniel Boy : le vieil homme et le chien, dont voici le texte :
Transparent au regard des passants trop pressés,
Un vieil homme est assis, transi et affamé,
Un passage lu, il y a quelque temps, dans la Bible m’a fait réfléchir à cette capacité qui habite dans le cœur de tout être humain, et de Dieu : la capacité d’indignation. Alors que l’apôtre Paul se trouve dans la ville d’Ephèse (en Turquie actuelle), il finit par gagner à l’Evangile un grand nombre d’habitants de cette ville. Le message qu’il annonce ne se centre pas uniquement sur Jésus, le Christ. Paul parle aussi aux éphésiens, adeptes des cultes mythologiques, du présupposé sur lequel repose la prédication du Christ : l’existence d’un Dieu Créateur unique, incréé et élevé au-dessus de toute représentation. Si le salut proposé en Christ a une portée universelle, c’est bien d’abord parce qu’ à l’origine, c’est à la même cause que chaque homme, chaque peuple, chaque nation doit son existence.
Adhérant à l’Evangile, les néophytes ont vite compris que leur foi nouvelle est incompatible avec les cultes anciens. Aussi, dans un mouvement unanime, ont-ils délaissé et abandonné les cultes mythiques qu’ils pratiquaient auparavant. Un abandon qui n’est pas sans conséquence pour la ville d’Ephèse, gardienne du temple de la grande Artémis, les produits dérivés qui découlaient du culte faisant vivre avec aisance le commerce local. Tout cela ne manqua pas rapidement de provoquer du remous dans le cœur d’un homme particulièrement concerné par la question : l’orfèvre Démétrius.
Le mécontentement de Démétrius
Habile artisan, Démétrius avait vite compris quels bénéfices ils pouvaient tirer du culte imposant rendu à Artémis à Ephèse. Il se lança donc dans la fabrication de petits sanctuaires familiaux, reproduction à l’identique (ou en mieux) de l’original. Une activité florissante… jusqu’à l’arrivée de ce trouble-fête de Paul. Inquiet pour l’avenir de sa profession, Démétrius ne manqua pas d’alerter tous les artisans de sa corporation. Il invoqua en premier le danger que faisait courir le nouveau message pour l’avenir de la profession. Les intérêts particuliers de la profession ne constituant cependant pas un argument suffisamment mobilisateur, Démétrius changea de registre. Il évoqua le triste développement que pouvait avoir, pour l’avenir du culte rendu à la déesse, le nouveau message auquel adhéraient déjà tant d’éphésiens. (Imaginez ce que serait Lourdes si le culte marial, et ses produits dérivés, venait à disparaître !).
Emeute
Indignés, le sang des habitants de la ville ne fit qu’un tour. Un attroupement considérable se créa dans le théâtre. Luc fait remarquer avec ironie que, si beaucoup de gens étaient là, la plupart ne savaient pas pourquoi, tant différait dans la foule le contenu des slogans formulés. Une manifestation qui n’est pas sans rappeler parfois celles que l’on rencontre encore de nos jours où, ensemble, râleurs réunis crient sans avoir de réelle raison commune de crier. Pris en otage dans le mouvement, quelques chrétiens tentèrent bien une explication. En vain ! Ils ne devront leur salut qu’à l’intervention autoritaire du secrétaire de la ville, enjoignant Démétrius à utiliser les voies légales, les tribunaux, s’ils ont quelque chose contre lequel porter plainte.
Sources de l’indignation
Qu’est-ce que l’indignation ? D’où sort-elle et de quoi provient-elle ?
Elle est une réaction naturelle et émotionnelle du cœur qui, outré de ce que l’on touche à un point fondamental de ce qu’il considère comme la réalité, cherche à en défendre le bien-fondé. L’indignation, comme on le voit à Ephèse, touche souvent à ce qui, à nos yeux, est sacré. Aussi, face à l’indignation suscitée en nous à l’écoute d’une nouvelle ou d’une information, devons-nous nous poser quelques questions :
1. Ce pour quoi ou contre quoi je m’indigne porte-t-il réellement le caractère du sacré ? La France est coutumière des manifestations de tous genres. Qu’on touche aux 35 heures ou aux régimes spéciaux des retraites et l’indignation ne tarde pas à se lever. Mais est-elle juste ou justifiée ? Ne ressemble-t-elle pas à celle de Démétrius, en fait davantage préoccupé par ses intérêts qu’à la cause qu’il disait défendre ? Il apparaît donc que, dans de nombreux cas, l’indignation se produit quand on élève des choses qui touchent à son intérêt personnel au rang du sacré. Or, qui peut discuter avec quelqu’un qui prétend que les 35 heures ou le régime spécial de retraite auquel il appartient sont, par nature, intouchables ?
2. Ce pour quoi ou contre quoi je m’indigne est-il en accord avec la réalité ? L’indignation de Démétrius et de la foule avait pour objet un mensonge : celui de croire que les dieux fabriquées par les hommes étaient de vrais dieux. Pris dans un mouvement d’indignation, nous devons avoir le recul nécessaire pour nous demander si la cause que nous défendons est juste, correspond à la réalité, ou n’est que le résultat d’une manipulation. Les récentes émeutes des musulmans contre les caricatures de Mahomet sont à ranger dans cet ordre. Le conflit venait ici du fait que les dessinateurs se sont cru autorisés de pouvoir toucher à la personne du prophète de l’Islam, personne considérée comme sacrée par ses adeptes. Ce qui n’était que raillerie pour les uns était profanation pour les autres. Aussi, la question de fond ici posée est de savoir si Mahomet est digne, preuves à l’appui, d’être considéré comme un être sacré ou non.
Un révélateur
L’indignation agit donc comme un révélateur. Elle met en lumière ce qui, au fond de nos cœurs, représente ce qui, de manière absolue, compte. D’où parfois, le caractère curieux et absurde aux yeux de certains, des choses pour lesquelles d’autres s’indignent, un paradoxe mis en lumière dans le poème de Daniel Boy : le vieil homme et le chien, dont voici le texte :
Transparent au regard des passants trop pressés,
Un vieil homme est assis, transi et affamé,
Sous un porche à l’abri des frimas de janvier.
Une voiture suit, heurte le canidé.
Aussitôt extirpés de leurs logis douillets
Accourent de partout des bourgeois empressés.
"Ne le laissez pas là, amenez-le chez moi
J’ai une couverture afin qu’il n’ait pas froid !
"Quelques instant après, l’animal est pansé,
Dorloté, réchauffé, maintes fois caressé.
Au dehors dans la rue le silence est tombé
Tout le monde est rentré, a fermé ses volets.
Sous son porche à l’abri des frimas de janvier
Le vieil homme soudain s’est mis à aboyer.
Ce texte choque, mais il met en lumière une réalité bien humaine. Ne sommes-nous pas souvent comme les bourgeois de la poésie, capables de nous indigner pour des choses très secondaires tandis que nous restons étrangement passifs pour ce qui touche au sacré réel ? Sommes-nous choqués pour les bonnes raisons ?
Jésus et l’indignation
Il serait sans aucun doute très intéressant de lire les Evangiles notant soigneusement quelles raisons provoquait l’indignation de Jésus. En y pensant rapidement, j’en trouve déjà trois :
1. le commerce fait autour du nom de Dieu. Jésus ne supportait pas ce qui offensait l’honneur de Son Père. le temple est ainsi le seul endroit où Jésus s’est montré violent, allant jusqu’à prendre un fouet pour en chasser les vendeurs. Voir Jésus en colère est quelque chose qui ne peut que faire trembler. L’épisode souligne cependant à quel point l’honneur de Dieu est, dans le cœur de Jésus, la valeur suprême.
2. la dureté de cœur de ses contemporains a été une seconde cause d’indignation dans le cœur de Jésus. Elle s’est manifestée dans la synagogue le jour où, dit Marc, alors que c’était sabbat, Jésus posa la question aux religieux présents s’il était possible ou non de faire du bien à un homme. Jésus provoqua alors le scandale en guérissant, en opposition à toute règle (il était interdit de travailler le jour du sabbat) et sous les yeux des assistants éberlués, un homme à la main sèche. Jésus était indigné de la dureté de cœur des religieux, eux-mêmes indignés de la liberté que se prenait Jésus ! Pour Lui, l’être humain passe avant tout interdit !
3. l’hypocrisie religieuse est enfin la 3ème cause d’indignation de Jésus dans les Evangiles. Par sept fois et avec sept malheurs, il fustigera la duplicité des responsables religieux de son temps, plus préoccupés de la forme que du fond, de leur prestige que du bien du peuple, de leurs richesses que de l’obéissance à la Parole de Dieu… La vérité seule doit, selon Jésus, être au cœur de la foi, tout le reste n’étant que comédie et simulation !
2. la dureté de cœur de ses contemporains a été une seconde cause d’indignation dans le cœur de Jésus. Elle s’est manifestée dans la synagogue le jour où, dit Marc, alors que c’était sabbat, Jésus posa la question aux religieux présents s’il était possible ou non de faire du bien à un homme. Jésus provoqua alors le scandale en guérissant, en opposition à toute règle (il était interdit de travailler le jour du sabbat) et sous les yeux des assistants éberlués, un homme à la main sèche. Jésus était indigné de la dureté de cœur des religieux, eux-mêmes indignés de la liberté que se prenait Jésus ! Pour Lui, l’être humain passe avant tout interdit !
3. l’hypocrisie religieuse est enfin la 3ème cause d’indignation de Jésus dans les Evangiles. Par sept fois et avec sept malheurs, il fustigera la duplicité des responsables religieux de son temps, plus préoccupés de la forme que du fond, de leur prestige que du bien du peuple, de leurs richesses que de l’obéissance à la Parole de Dieu… La vérité seule doit, selon Jésus, être au cœur de la foi, tout le reste n’étant que comédie et simulation !
Citations :
- Une colère contre le péché est une colère sans péché : Thomas Watson.
- Les hommes ne se mettent en colère que quand ils se croient lésés. Et ils se sentent frustrés dans la mesure où ils ont l’impression qu’on leur refuse de satisfaire à des revendications légitimes : C S Lewis.
Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus
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