samedi 10 octobre 2009

Alain : De l'Epave à...



La vie d'Alain


Fils de marin et petit-fils de paysan, je suis né dans un petit village breton à 100 mètres de la mer. Les choses ont bien changé depuis. La plupart des gens parlaient encore le breton, mais on ne l’apprenait plus aux enfants. J’ai appris à marcher avec des sabots de bois. J’avais 14 ans lorsqu’on a installé l’eau courante dans le village. Les paysans labouraient avec des chevaux et les marins pêcheurs naviguaient à la voile. C’était la fin d’une époque. Il allait falloir s’adapter aux changements qui allaient se produire rapidement.




• J’étais timide, renfermé et hypersensible. Ceci aide à comprendre mon attirance vers l’alcool. J’ai compris, très jeune, qu’avec un coup dans le nez on osait dire et faire des choses dont on était incapable sans ce produit dopant. J’ai mis plus longtemps à comprendre que bien souvent on le regrettait dès le lendemain. L’alcool n’était pas tabou en Bretagne. Je saisissais toutes les occasions pour goûter à ses effets (fêtes, grands travaux à la ferme, stand de tir forains, et même au collège le dimanche midi).



• Ma grande passion dans la vie, c’était la mer. Je la longeais tous les jours pour aller à l’école et j’y étais pendant les vacances. Mon père était marin, il était sur la mer, un peu plus loin de l’horizon que je voyais chaque jour. Ainsi, pour moi, devenir un homme, c’était aller de l’autre côté de l’horizon, voir ce qui s’y passe. Évidemment, je n’avais pas encore compris que l’horizon recule au fur et à mesure qu’on avance ! Je voulais être marin, marin, et rien d’autre !




• Comme beaucoup d’enfants de la campagne, on m’a mis en pension à l’âge de 12 ans, et ceci pour 6 ans. L’école était pour moi une sorte de salle d’attente obligatoire avant de pouvoir être un homme, c'est-à-dire dans ma tête de petit breton têtu, un marin.



• A l’âge de 18 ans je m’engageai dans la marine nationale, et après quelques mois de formation, j’embarquai sur un porte avions en direction du Pacifique sud. Enfin mon rêve se réalisait. Quelle émotion de passer le Cap de Bonne Espérance, de faire escale en Afrique, à Madagascar, en Nouvelle Calédonie, puis de débarquer à Tahiti !



• Je croyais qu’une fois devenu marin, je n’aurais plus besoin de boire. Mais l’habitude était prise. Je ne savais pas comment fêter un événement sans l’arroser, ni comment me consoler sans noyer ça dans l’alcool. Oh, bien sur, ce n’était pas dans l’alcool pur ! Je savais boire comme on dit. Du punch et du whisky coca sous les tropiques ; et de la bière et du vin dans la vie ordinaire. Je croyais tenir le choc. J’avançais en grade normalement car j’aimais ce que je faisais. Mais mes ivresses ont fini par se faire remarquer, puis par me détraquer nerveusement. C’est en état d’ivresse que j’ai commis ma première tentative de suicide. Et dans la Marine on n’aime vraiment pas ça ; je fus donc réformé ; ou en d’autres termes viré de la Marine.



• Je me retrouvai donc sur le plancher des vaches sans trop savoir qu’y faire. La Marine avait réglé son problème avec moi, mais moi je n’avais rien réglé du tout. Comme j’avais pas mal travaillé autour des pompes et des tuyauteries dans la Marine, je devins plombier après une formation. Mais je perdis mon emploi, devinez pour quelle raison ? L’alcool ! En allant chercher ma dernière paye, je la bus.



• Sur le chemin du retour j’eus un accident. Je renversai un homme à vélomoteur. Ce fut le choc, non seulement sur la route, mais dans ma conscience aussi. Jusqu’à ce jour je me disais : « Je peux faire ce que je veux, ça ne regarde pas les autres tant que je ne fais de mal à personne. » Et là, sans le vouloir, j’avais blessé un homme. Mon raisonnement s’écroulait, mais ma conscience s’éveillait. Je savais que j’étais en tort et je l’admettais. Je suivis une cure de désintoxication dans une clinique. Mais la dépression redoubla ses attaques. Dans ces premiers mois de sobriété tout semblait se liguer contre moi. Mon passé, non seulement me rattrapait, mais me dépassait. Découragé, je tentai de me suicider, mais je me réveillai quelques jours plus tard, au service réanimation de l’hôpital Ponchailloux à Rennes. Le retour sur terre fut pénible. A ce moment-là je croyais que ni la vie ni la mort n’étaient faites pour moi. J’étais comme un fantôme dans ma propre peau.



• Néanmoins, après plusieurs mois de dépression, hospitalisé à plusieurs reprises, je repris un travail dans une usine. Et comme la sobriété revient moins cher que la bibine je pus m’acheter un nouveau bateau. Le premier, payé avec ma première solde de quartier maître s’appelait « L’Épave »…. (suite de l’histoire d’Alain la semaine prochaine)

Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus

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