Le célèbre pédiatre Aldo Naouri, qui vient de publier Eduquer ses enfants, l’urgence aujourd’hui, analyse les dégâts collatéraux de Mai 68 dans l’éducation. Extraits d’une interview donnée au magazine Famille chrétienne
Q : Quels bouleversements dans l’éducation vous paraissent provenir de cette révolution ?
Mai 68 a confondu inégalité et différence. On a attaqué de front certaines inégalités –un combat légitime qui a abouti à plus de justice sociale – mais on a en même temps malmené les différences. Or un couple, une famille, c’est plein de différences.
Toutes les hiérarchies verticales sont apparues comme créatrices d’inégalités. Accusées d’être la source de tous les maux, on a donc entrepris de les détruire. A l’école, il devint impératif de ne pas mettre l’enfant dans un système de concurrence : on a supprimé les notations, les classements… A la maison, on a sacré l’enfant roi, et on l’a hissé au même niveau que ses parents.
Enfin, Mai 68 a érigé le bonheur individuel comme fondement de la société. Le but de l’éducation n’a plus alors été de « guider vers », mais de ne pas traumatiser l’enfant ; et de lui plaire, de le séduire.
Q : On ne peut pas éduquer par la séduction ?
La séduction est l’exact contraire de l’éducation. Les deux mots sont construits sur le radical latin ducere qui veut dire conduire, lequel a donné ducare, élever. Ducere est forgé sur le radical dux, lequel signifie chef. Educere laisse entendre un rapport d’échange avec le chef, une certaine exemplarité qui s’en dégage. En revanche, seducere, introduite par le préfixe se de la suppression, sous-entend le contraire : une mise à l’écart de l’exemplarité du chef.
Eduquer expose à devoir imposer à son enfant une contrainte ou une privation qui a sens pour soi, parce qu’on ne la pense pas dans son effet sur-le-champ mais dans ce qu’elle produira à long terme. Or l’on imagine aujourd’hui qu’il n’est pas capable de la supporter parce qu’on projette sur l’enfant notre propre réaction négative alors que c’est un vécu qui lui est étranger. Il est indéniable que séduire un enfant lui procure du plaisir, et la reconnaissance qu’il en a sur le moment procure au séducteur un non moins indéniable plaisir. Nous allons être « copains » ! Or, c’est la pire maltraitance qu’on puisse infliger à un enfant !
Q : Comment expliquer vous cette mutation ?
Les enfants de Mai 68 sont ceux du baby-boom : ils ont grandi dans une période d’abondance qui rompait avec la pénurie et les privations de l’après-guerre. D’une société où le mot d’ordre était : On ne peut pas tout avoir, on est passé à : Tu as le droit à tout. Le problème, c’est qu’un enfant à qui l’on dit cela a beaucoup de mal à s’entendre dire par la suite : Tu n’as pas le droit à cela ! Si l’enfant n’est pas préparé de façon précoce à vivre et à supporter la frustration, il va développer une angoisse considérable et des exigences impossibles à satisfaire.
Q : N’y a-t-il pas eu dans « le rejet du père » de Mai 68 une réaction légitime contre un autoritarisme de droit divin ?
Mai 68 a été une réaction contre le patriarcat, avec de bonnes raisons pour cela. Ce patriarcat était représenté par des personnages politiques terrifiants dont l’idéologie et le culte de la personnalité ont fait des millions de victimes : Hitler, Lénine, Ceaucescu, Mao, Pol Pot, etc…
Mais on a jeté le bébé avec l’eau du bain. Depuis toujours, le père bénéficiait d’un soutien sociétal, nécessaire pour mettre en place un contrepoids à la puissance de la mère offerte par la grossesse. Or, si depuis l’après-guerre, la société a exigé du père une attitude plus maternante, plus compréhensive, Mai 68 a tout bonnement suspendu le droit paternel à s’immiscer dans la relation mère-enfant.
Q : Il est interdit d’interdire ?
Soit dit en passant, c’est une belle connerie ! Car s’il est interdit d’interdire, il faut aussi interdire d’interdire d’interdire… Passons. Ce mot d’ordre laisse entendre implicitement qu’il est désormais interdit de tempérer la protection excessive de la mère. A propos de ce slogan, laissez-moi ajouter qu’il anéantit toute l’éducation puisque celle-ci est fondée sur l’interdit.
Q : Quels sont vos conseils pour un père déboussolé qui cherche sa place ?
C’est très simple : il lui suffi de « tracter » la mère de ses enfants vers sa féminité. En étant le séducteur de cette femme, il lui évite de sombrer dans le « gouffre » de la maternité et permet par là même à l’enfant de pouvoir se tirer plus facilement de cette relation à tendance fusionnelle. Aujourd’hui le père est trop souvent une « mère bis » : cela fait une mère de trop.
Q : Vous faites l’éloge du couple… pour sauver l’enfant ?
Et je propose même que le couple pense d’abord à lui avant de penser à l’enfant – ce qui lui rendra le meilleur des services. Il faut remplacer le mot d’ordre « l’enfant d’abord » par « le couple d’abord » ! L’enfant, écarté de la préoccupation première de la mère, va se sentir effectivement frustré, mais cette frustration symbolique va lui permettre d’affronter l’existence et de se construire.
Q : On vous reproche de prôner le non sans explication. Peut-il y avoir, après Mai 68 et Françoise Dolto, des interdits sans explication ?
L’autorité tranquille se met en place à partir du moment où le parent occupe sa place, c’est-à-dire qu’il est dans une situation verticale par rapport à l’enfant. A partir de ce moment, le fait qu’il dise non ou qu’il pose un interdit n’exige aucunement qu’il se justifie.
On voit aujourd’hui ce qu’il en est des méfaits de la relation horizontale : c’est tellement angoissant pour l’enfant d’être à égalité avec ses parents qu’il va réagir en développant un véritable culte de sa personne sous la forme d’un sentiment de toute-puissance qu’il pourra traîner sa vie durant.
Q : Comment voyez-vous l’avenir ?
Noir, très noir… Je ne me fais pas d’illusion : je ne convaincrai que les convaincus. Je permettrai seulement aux gens qui sont de mon avis de résister à la vague. Mais elle est si puissante qu’elle va en emporter beaucoup.
La dégradation que je vois s’opérer depuis 40 ans d’exercice est d’autant plus préoccupante qu’elle est entretenue. La démocratie est une si belle chose qu’on a voulu ,en mettre là où il ne peut y en avoir : au nom de la démocratie, on a fait le couple démocratique – défendue jusqu’au sein des instances gouvernementales. Au nom de la démocratie, dès que quelqu’un affirme une opinion, on lui oppose une opinion contraire qui est présentée comme tout aussi valable… Ce relativisme est aussi l’héritage collatéral de Mai 68. Il n’a pas fini de faire des dégâts.
Q : Quels bouleversements dans l’éducation vous paraissent provenir de cette révolution ?
Mai 68 a confondu inégalité et différence. On a attaqué de front certaines inégalités –un combat légitime qui a abouti à plus de justice sociale – mais on a en même temps malmené les différences. Or un couple, une famille, c’est plein de différences.
Toutes les hiérarchies verticales sont apparues comme créatrices d’inégalités. Accusées d’être la source de tous les maux, on a donc entrepris de les détruire. A l’école, il devint impératif de ne pas mettre l’enfant dans un système de concurrence : on a supprimé les notations, les classements… A la maison, on a sacré l’enfant roi, et on l’a hissé au même niveau que ses parents.
Enfin, Mai 68 a érigé le bonheur individuel comme fondement de la société. Le but de l’éducation n’a plus alors été de « guider vers », mais de ne pas traumatiser l’enfant ; et de lui plaire, de le séduire.
Q : On ne peut pas éduquer par la séduction ?
La séduction est l’exact contraire de l’éducation. Les deux mots sont construits sur le radical latin ducere qui veut dire conduire, lequel a donné ducare, élever. Ducere est forgé sur le radical dux, lequel signifie chef. Educere laisse entendre un rapport d’échange avec le chef, une certaine exemplarité qui s’en dégage. En revanche, seducere, introduite par le préfixe se de la suppression, sous-entend le contraire : une mise à l’écart de l’exemplarité du chef.
Eduquer expose à devoir imposer à son enfant une contrainte ou une privation qui a sens pour soi, parce qu’on ne la pense pas dans son effet sur-le-champ mais dans ce qu’elle produira à long terme. Or l’on imagine aujourd’hui qu’il n’est pas capable de la supporter parce qu’on projette sur l’enfant notre propre réaction négative alors que c’est un vécu qui lui est étranger. Il est indéniable que séduire un enfant lui procure du plaisir, et la reconnaissance qu’il en a sur le moment procure au séducteur un non moins indéniable plaisir. Nous allons être « copains » ! Or, c’est la pire maltraitance qu’on puisse infliger à un enfant !
Q : Comment expliquer vous cette mutation ?
Les enfants de Mai 68 sont ceux du baby-boom : ils ont grandi dans une période d’abondance qui rompait avec la pénurie et les privations de l’après-guerre. D’une société où le mot d’ordre était : On ne peut pas tout avoir, on est passé à : Tu as le droit à tout. Le problème, c’est qu’un enfant à qui l’on dit cela a beaucoup de mal à s’entendre dire par la suite : Tu n’as pas le droit à cela ! Si l’enfant n’est pas préparé de façon précoce à vivre et à supporter la frustration, il va développer une angoisse considérable et des exigences impossibles à satisfaire.
Q : N’y a-t-il pas eu dans « le rejet du père » de Mai 68 une réaction légitime contre un autoritarisme de droit divin ?
Mai 68 a été une réaction contre le patriarcat, avec de bonnes raisons pour cela. Ce patriarcat était représenté par des personnages politiques terrifiants dont l’idéologie et le culte de la personnalité ont fait des millions de victimes : Hitler, Lénine, Ceaucescu, Mao, Pol Pot, etc…
Mais on a jeté le bébé avec l’eau du bain. Depuis toujours, le père bénéficiait d’un soutien sociétal, nécessaire pour mettre en place un contrepoids à la puissance de la mère offerte par la grossesse. Or, si depuis l’après-guerre, la société a exigé du père une attitude plus maternante, plus compréhensive, Mai 68 a tout bonnement suspendu le droit paternel à s’immiscer dans la relation mère-enfant.
Q : Il est interdit d’interdire ?
Soit dit en passant, c’est une belle connerie ! Car s’il est interdit d’interdire, il faut aussi interdire d’interdire d’interdire… Passons. Ce mot d’ordre laisse entendre implicitement qu’il est désormais interdit de tempérer la protection excessive de la mère. A propos de ce slogan, laissez-moi ajouter qu’il anéantit toute l’éducation puisque celle-ci est fondée sur l’interdit.
Q : Quels sont vos conseils pour un père déboussolé qui cherche sa place ?
C’est très simple : il lui suffi de « tracter » la mère de ses enfants vers sa féminité. En étant le séducteur de cette femme, il lui évite de sombrer dans le « gouffre » de la maternité et permet par là même à l’enfant de pouvoir se tirer plus facilement de cette relation à tendance fusionnelle. Aujourd’hui le père est trop souvent une « mère bis » : cela fait une mère de trop.
Q : Vous faites l’éloge du couple… pour sauver l’enfant ?
Et je propose même que le couple pense d’abord à lui avant de penser à l’enfant – ce qui lui rendra le meilleur des services. Il faut remplacer le mot d’ordre « l’enfant d’abord » par « le couple d’abord » ! L’enfant, écarté de la préoccupation première de la mère, va se sentir effectivement frustré, mais cette frustration symbolique va lui permettre d’affronter l’existence et de se construire.
Q : On vous reproche de prôner le non sans explication. Peut-il y avoir, après Mai 68 et Françoise Dolto, des interdits sans explication ?
L’autorité tranquille se met en place à partir du moment où le parent occupe sa place, c’est-à-dire qu’il est dans une situation verticale par rapport à l’enfant. A partir de ce moment, le fait qu’il dise non ou qu’il pose un interdit n’exige aucunement qu’il se justifie.
On voit aujourd’hui ce qu’il en est des méfaits de la relation horizontale : c’est tellement angoissant pour l’enfant d’être à égalité avec ses parents qu’il va réagir en développant un véritable culte de sa personne sous la forme d’un sentiment de toute-puissance qu’il pourra traîner sa vie durant.
Q : Comment voyez-vous l’avenir ?
Noir, très noir… Je ne me fais pas d’illusion : je ne convaincrai que les convaincus. Je permettrai seulement aux gens qui sont de mon avis de résister à la vague. Mais elle est si puissante qu’elle va en emporter beaucoup.
La dégradation que je vois s’opérer depuis 40 ans d’exercice est d’autant plus préoccupante qu’elle est entretenue. La démocratie est une si belle chose qu’on a voulu ,en mettre là où il ne peut y en avoir : au nom de la démocratie, on a fait le couple démocratique – défendue jusqu’au sein des instances gouvernementales. Au nom de la démocratie, dès que quelqu’un affirme une opinion, on lui oppose une opinion contraire qui est présentée comme tout aussi valable… Ce relativisme est aussi l’héritage collatéral de Mai 68. Il n’a pas fini de faire des dégâts.
Jésus en Chine : partie 3
JESUS EN CHINE 3
envoyé par SEPTRE
Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus
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