samedi 11 septembre 2010

Avant la mort : l'endroit du tableau

Portrait de deux hommes aux destins très différents :

Il y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie.Un pauvre couvert d’ulcères, du nom de Lazare, était couché à son portail ; il aurait désiré se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; même les chiens venaient lécher ses ulcères : Evangile de Luc, chapitre 16, versets 19 à 21

1. le 1er homme :

Il est, selon le regard qu’en porte Jésus, le riche par excellence. Tout son comportement illustre pour Jésus les priorités et les attitudes de celui que la richesse, le dieu Mamon, domine. Celui que la richesse possède, montre Jésus, ne vit que pour une seule chose : tirer au maximum profit, jouissance pour lui-même et pour le temps présent de ce qu’elle lui permet d’acquérir. Car tel est le pouvoir de la richesse, qu’elle permet, en même temps qu’elle les révèle, de satisfaire toutes les envies et tous les désirs du cœur : bonne chère, plaisir, vie dispendieuse dans le luxe et le clinquant… Si tel est l’endroit du tableau de la richesse, Jésus prévient que celui-ci comporte inévitablement un envers. Il est impossible, dit en quelque sorte Jésus, d’engraisser sa chair sans, en contrepartie, rendre insensible son esprit. Aussi généreux soit-il avec lui-même, aussi avare, montre Jésus, est le riche avec les autres, et plus particulièrement avec ceux qui, tel Lazare, sont les nécessiteux qui sont à sa porte. Aussi soucieux est-il de satisfaire les moindres désirs de sa personne, plus insensible que des chiens se montre-t-il, en terme de compassion, face aux besoins vitaux des autres. Aussi préoccupé se révèle-t-il de jouir dans le temps présent, aussi aveugle paraît-il face à l’échéance inéluctable de sa fin et du jugement de Dieu qui s’ensuivra. Tel est le riche dans tous ses traits et ses défauts.

1. le 2ème homme :

Contrairement au riche, Jésus nous donne son nom : Lazare. Ce détail n’est pas sans importance. Il revêt une double signification :

- par sa signification d’abord : Lazare signifie « Mon aide vient de Dieu ». A l’opposé du riche non-croyant, Lazare est pour nous l’incarnation du vrai croyant, pauvre pour ce monde, mais riche dans son espérance et sa foi en Dieu.

- par la relation qui le lie à Dieu. Si le riche n’est pas connu de Dieu, le pauvre l’est. Dieu ne sait pas qui est le riche : Il n’a pas de relation personnelle avec lui. Il sait par contre qui est Lazare. Son nom lui est connu parce qu’il fait partie du cercle de Ses relations.

La condition du pauvre nous est ici décrite à l’extrême opposé de celle du riche. Contrairement au riche qui peut satisfaire tous ses désirs et vivre dans le superflu, toute la préoccupation du pauvre tourne autour de la survie et de ses besoins vitaux. Bien qu’étant proches physiquement l’un de l’autre, Lazare et le riche vivent, à l’intérieur d’eux-mêmes sur deux planètes totalement séparées l’une de l’autre. Rien de ce qui préoccupe chaque jour le riche, ne préoccupe Lazare dans le quotidien. Penser à ce que le riche pense est, plus qu’inconcevable pour lui, inexistant. Que sait, en effet, Lazare d’habits riches et somptueux, lui qui n’est vêtu que de loques ? Que sait-il de la chaleur d’une maison confortable, pleine d’amis, lui qui, exposé aux vents et aux intempéries, vit sous un porche et n’a pour compagnie que des chiens errants ? Que sait-il d’un corps replet, reluisant de graisse, lui que tourmente chaque jour ulcères et plaies variqueuses ?

La même remarque, au sujet de l’endroit des deux tableaux, s’applique cependant à leur envers. Alors que les préoccupations spirituelles sont inexistantes dans le champ des pensées du riche, elles occupent pourrait-on dire, tout l’espace ou presque de celui de Lazare. Si la richesse a l’avantage de permettre à celui qui la possède d’acquérir tout ce qu’il souhaite pour son plaisir, la pauvreté possède en elle-même aussi ses atouts. Là où la richesse ferme le cœur, la pauvreté l’ouvre. Placé dans les faits face à la vanité, le non-sens, la dureté de la vie, la pauvreté invite le pauvre à sortir de lui-même pour chercher en Dieu, et non en lui-même ou dans les choses de la vie, son espérance. Tel fut Lazare qui, contrairement au riche, était, par l’obligation due à sa pauvreté, au cœur des questions essentielles.

Sans doute l’exemple pris ici par Jésus touche-t-il à des extrêmes. Connaissait-Il des cas similaires ou a-t-Il inventé l’histoire de A à Z. Le bon sens nous fait pencher pour le fait que ce que Jésus utilise ici pour mettre en évidence les vérités qu'il veut faire passer ne doit pas être si éloigné que cela de la réalité ! Dans son côté tragique concernant Lazare, l’histoire est aussi là pour témoigner d’un fait que, au seul regard de nos yeux et du jugement rapide que l’on pourrait porter sur la situation, l’on ne soupçonne pas. Ce fait est que, au sein de la plus extrême misère, peut s’épanouir la fleur de la foi et d’une vie personnelle avec Dieu. Alors qu’on pourrait penser le contraire (il est plus facile de croire en Dieu quant tout va bien), la parabole de Jésus met en évidence la réalité inverse. Tandis qu’aucune graine d’espérance ne germe sur la terre dure du cœur du riche, le cœur du pauvre se révèle être le terreau favorable pour qu’éclose la graine de la vie éternelle. Habitants de pays riches, vivant dans l’aisance et le superflu, nous sommes toujours surpris d’entendre des gens frappés par le malheur témoigner de leur amour et de leur espérance en Dieu (cf Haïti). La réponse à cet étrange paradoxe se trouve ici, dans le labour secret qu’a opéré la souffrance dans les cœurs.

Riche et pauvre : deux destins, dont l’un seul, est véritablement enviable. Dans cette vie, le riche a la faveur de tous. C’est au jour de la mort, jour où tous les compteurs des gains matériels sont mis à zéro chez chacun que se montre, en ce qui concerne la vie éternelle, qui est le gagnant et le perdant !


Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus

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