Gustave Thibon
Gustave Thibon, philosophe
français, était un vrai maître à faire penser. Pendant un demi-siècle, il a
donné d’innombrables conférences et écrit de multiples articles. Il est aussi l’auteur
de plus de 20 ouvrages de réflexion et de sagesse. Plusieurs de ces citations
sont célèbres. Décédé en janvier 2001, il nous a laissé un article sur le
danger de l’appauvrissement de la culture et de l’intelligence que notre temps
chaotique ferait bien de méditer.
Culture et infini
L’homme cultivé n’est pas celui
qui résout – ou croit résoudre – les problèmes, mais celui qui les creuse et
qui, en les creusant, voit le mystère infini qu’ils recouvrent. Pour l’esprit
primaire, il n’y a pas de mystère, mais seulement des problèmes, et la marge d’inconnu
qui subsiste encore dans la nature s’effacera peu à peu, à mesure que la
science progressera. Pour l’homme cultivé, il y a non seulement de l’inconnu,
il y a de l’inconnaissable, et plus il avance dans la connaissance des choses,
plus il prend conscience de l’irréductibilité de l’inconnaissable, car la « réalité »
suprême n’est pas accessible à l’intelligence discursive.
Carences de l’inculture
Il faut dire d’abord que le
manque de culture suffit à frapper de stérilité toutes les données de l’information.
Que signifie un évènement pris en lui-même, un évènement qu’on ne peut pas
situer et dont on ne sait pas évaluer l’importance faute de pouvoir le relier à
un ensemble de connaissances ? L’homme sans culture, promené par l’information
dans le labyrinthe des évènements, manque de fil conducteur pour se reconnaître
dans cette cohue de nouvelles que la presse et la radio déversent sur lui tous
les jours.
Le mal du siècle
Le vrai, le faux, le bien, le
mal ne sont plus des critères : ce qui importe, c’est de répondre aux
goûts de la foule, c’est le succès. Pour l’obtenir, il ne s’agit pas d’éclairer
les intelligences et encore moins d’élever les âmes, mais de distraire et d’exciter
les esprits. La surenchère dans l’inédit, l’extraordinaire et le formidable
mène en droite ligne à l’inanité et à la platitude. « Tout ce qui est exagéré est insignifiant » disait Talleyrand.
Quoi de moins inédit et de plus banal que ces révélations fracassantes, ces « secrets »
et ces « confidences » divulguées à des millions d’exemplaires, cette
exploitation du scandale autour des perversions sexuelles ou des crimes – deux réalités
psychologiques très pauvres et qui n’ont pas autre chose à nous révéler que
leur néant ? Ce n’est que « le
spectacle ennuyeux de l’immortel péché » comme disait Baudelaire. L’usage
des toxiques les rend nécessaires : il n’en fait pas pour autant des
aliments.
A qui profite l’inculture ?
Enfin, c’est en tant qu’instrument
idéal des puissances financières et politiques qui se servent d’elle pour
ruiner notre liberté de l’intérieur, que l’information s’oppose le plus
radicalement à la culture. Nous n’avons pas à rappeler ici tout ce qui a été
dit sur le viol des foules, les techniques d’avilissement, la mise en condition
de l’humanité. La propagande est la plus facile et la plus efficace des tyrannies
(Gustave Thibon a traversé les deux guerres !).
Résistance
Nous nous bornerons à évoquer,
pour conclure, quelques moyens de résistance à l’information malsaine. La culture
joue ici un rôle essentiel : un homme cultivé sait garder ses distances à
l’égard des évènements et des propagandes ; il accueille et il élimine à
la façon d’un organisme vivant ; il a assez le sens et le goût du vrai
pour flairer le mensonge et, s’il est chrétien, il a assez de foi pour être
exempt de crédulité. Car c’est un fait d’expérience courante que la crédulité
est le propre des hommes sans foi. « Quand
on ne croit plus en Dieu, disait Chesterton, ce n’est pas croire en rien, c’est
pour croire à n’importe quoi. » mais la culture, comme la foi, exige
un soubassement social. Il importe donc avant tout, pour faire face aux
puissances anonymes qui dirigent l’opinion, de créer des îlots de résistance,
des groupes d’hommes concrètement liés les uns aux autres par le même idéal, la
même foi. A l’intérieur de la cité technocratique et totalitaire qui règne « par la force et la grimace »,
nous avons à restaurer une cité fraternelle, une cité temporelle qui, au lieu d’écraser
les individus sous la pesanteur des idoles, soit un lieu de passage vers la
Cité de Dieu.
Quelques citations de Gustave
Thibon
L’amour sans éternité s’appelle
angoisse ; l’éternité sans amour s’appelle enfer.
La fraternité n’a pas ici-bas
de pire ennemi que l’égalité.
Etre dans le vent : une
ambition de feuille morte.
Avoir la foi, c’est faire
crédit à Dieu.
La foi consiste à ne jamais
renier dans les ténèbres ce qu’on a entrevu dans la lumière.
Il est malaisé de composer avec
le monde sans se laisser décomposer par le monde.
La société devient enfer dès qu’on
veut en faire un paradis.
Rien n’est plus vide qu’une âme
encombrée.
L’amour commence par l’éblouissement
d’une âme qui n’attendait rien et se clôt sur la déception d’un moi qui exige
tout.
On n’échappe à l’obéissance à
Dieu que pour choir dans la servitude.
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