samedi 21 juillet 2012

Humanisme ou théocratie : quel modèle ?

 
Fracture

Une fracture de plus en plus nette apparaît dans notre monde entre les peuples. D’un côté, il y a les peuples qui se disent laïcs et démocratiques ; de l’autre, les peuples qui revendiquent leur identité à partir d’un héritage religieux. Un mur les sépare ! Tandis que les uns voient dans la sanction de la peine de mort une mesure de protection contre la banalisation du mal, les autres ont fait de l’abolition de la peine de mort la preuve ultime du progrès de la civilisation. Qui a raison, qui a tort ? La réflexion que je vais mener sur le sujet ne prétend pas apporter toutes les réponses. J’espère qu’elle aura le mérite de débroussailler le terrain pour y voir un peu plus clair.

Le bien et le mal

Suivant que l’on soit dans un régime démocratique ou théocratique, le mal et le bien ne sont pas du tout perçus de la même manière. Dans le régime démocratique, l’homme et ses droits ont la primauté. Ils sont le point de référence ultime à partir duquel sont élaborés les concepts qui définissent ce qui est bien et mal pour la communauté. L’homme démocratique est autonome. Il n’est pas le produit d’un Créateur et n’a donc pas à se référer à une instance supérieure ou extérieure à lui pour statuer sur le bien et le mal. Suivant l’évolution du temps et des mœurs, l’homme démocratique autonome a la liberté de faire bouger les frontières séparant le bien et le mal ou d’en changer les définitions. Le site de l’éditeur du dictionnaire Larousse en est la démonstration. Jusqu’au 6 juillet, la définition que Larousse donnait de l’homosexualité était la suivante : "Homosexualité : nom féminin. Déviation du désir vers le même sexe, tant dans les fantasmes que dans la relation corporelle." Face à l’avalanche de protestations, Larousse s’est confondu en excuse. L’éditeur a fait savoir que la définition proposée est désormais obsolète et que la version 2013 du dictionnaire la rectifiera. Lorsque l’homme démocratique autonome évolue dans ses mœurs, la définition de ce qui est bien et mal à ses yeux évolue avec lui.

Toutes autres sont les considérations qui entrent en ligne de compte dans l’évaluation de ce qui est bien et mal dans une société théocratique. Ici, ce n’est pas l’homme qui a la primauté, mais Dieu, sa dignité, sa sainteté, le respect de sa personne. L’homme n’y est pas absent pour autant. Mais il est perçu comme créature de Dieu, appelée à l’honorer par sa conduite. Aussi, les crimes les plus graves sont ceux qui portent préjudice à l’honneur de Dieu. De multiples exemples de cette priorité dans le degré de gravité des délits nous sont fournis dans l’Ancien Testament. Tout homme qui voulait rendre un autre culte qu’à Dieu devait être lapidé. Cette mesure extrême ne servait pas qu’à châtier le coupable, mais à « ôter le mal du milieu d’Israël. » Parce que Dieu est Dieu, il ne pouvait y avoir cohabitation entre Lui et des rivaux. Telle la pourriture dans un fruit, le mal, perçu d’abord comme une atteinte à la dignité de la Personne sacrée de Dieu, devait, sous peine de contamination de toute la société, être éradiqué de la façon la plus radicale. On le savait : il ne fallait qu’un peu de levain pour lever toute la pâte… Nul doute qu’une telle radicalité ne peut être perçue par l’homme démocratique autonome que comme la forme la plus poussée de l’intolérance. Dans la société nivelée dans laquelle il vit, où personne n’a le droit de juger ce que fait autrui, il n’y a plus ni hauteur, ni profondeur. Ni le sacré, ni la noblesse n’existent. Il y a juste chacun avec sa propre conscience et, pour vivre ensemble, la tolérance devenue le nouvel absolu auquel chacun doit se soumettre.

Dans la société théocratique, les absolus qui définissent le bien et le mal sont ailleurs. Ils sont dans le caractère de Dieu qui, par nature, est immuable. Ceci étant, il est impossible, pour ceux qui vivent sur la base de ce concept, de dire que ce qui était déviation hier est normal aujourd’hui. L’homme démocratique autonome et laïc doit faire l’effort de le comprendre. En changeant la définition de ce qui a trait à la morale et à la conduite, il heurte inévitablement tous ceux qui pour qui le sacré définit ce qui est bien et mal. La fracture ne se fait pas seulement entre les peuples qui ont des conceptions différentes, mais dans les peuples. Le chrétien que je suis ne voit pas l’homme comme un être autonome, libre d’agir à sa guise pour faire ce qui lui semble bon. Je crois que ce n’est pas l’homme qui, ultimement, sait ce qui est bien et mal pour lui, mais Celui qui l’a conçu et pensé, Dieu, à qui il doit son existence. Il y a donc des limites que l’homme ne doit pas franchir, sous peine de finir par se détruire lui-même.

Extrémisme religieux

Des deux côtés, il apparaît que l’extrémisme est dangereux. Du côté de ceux qui se réfèrent à un héritage religieux, le danger se trouve dans une conception fausse, partielle, caricaturale ou déséquilibrée de Dieu. Dieu, le Dieu de la Bible, est, certes, un Dieu saint. Mais c’est aussi un Dieu de grâce, qui pardonne et donne la possibilité d’un nouveau départ à qui a failli. A une femme adultère que les chefs religieux voulaient lapider, Jésus a proposé que celui qui n’avait jamais fauté lance contre elle la première pierre. Ses accusateurs partis, il lui dira : Je ne te condamne pas ; mais va, et ne pèche plus. Il n’y a ici pas de contradiction entre Jésus et l’Ancien Testament. Jésus n’a pas estimé que les accusateurs de la femme avaient tort de vouloir lui appliquer la sentence prévue par la loi. Sa faute était grave. Il lui a juste offert la possibilité de s’amender, de repartir à zéro en changeant d’attitude : une façon d’agir conforme elle aussi à la nature de Dieu.

J’aime beaucoup ici l’attitude de Jésus. Il donne à tous ceux qui vivent sur la base du concept théocratique la ligne à suivre. Jésus fait nettement la distinction entre le péché et le pécheur. Jésus n’a jamais eu aucune faiblesse, ni fait preuve d’aucun relativisme envers le péché. « Celui hait son frère est l’égal de celui qui commet un meurtre. Celui qui convoite une femme dans son cœur a déjà commis l’adultère avec elle. » Le mal est mal et continuera à l’être. Le mal ne peut changer et être adouci ou minimisé suivant l’époque. Mais le pécheur ne doit pas être haï avec son péché. Il doit y avoir pour lui possibilité de changer, de s’amender, de repartir dans une vie nouvelle. Jésus seul a le pouvoir d’en donner la force.

Dans la société laïque dans laquelle nous vivons, l’homme démocratique autonome et laïc ne doit pas s’étonner de voir le croyant choqué, indigné contre des ordonnances qui touchent au caractère sacré des choses. Le croyant que je suis dira et continuera à dire que la vie est sacrée et l’avortement un crime, que le mariage entre un homme et une femme est la norme. Pour autant, ma condamnation ne porte pas sur les personnes qui enfreignent ses lois que j’estime absolue. Mon discours est de dire qu’avec le pardon et la force de Dieu, il est possible d’être libre de tout ce qui nous aliène dans notre nature. Un nouveau départ est possible pour tous. Jésus est venu ici-bas dans ce but.

Extrémisme laïc

Il est de bon ton pour l’homme démocratique autonome et laïc de fustiger les extrémistes religieux, leur obscurantisme et leur morale moyenâgeuse. La question se pose : la liberté à laquelle souscrivent les militants de l’humanisme a-t-elle rendue la société meilleure ? Y a-t-il moins de crimes, de gens blessés, de suicides, d’enfants martyrs, de femmes bafouées ? Y a-t-il plus de sécurité, de solidarité, de cellules familiales solides ? La réponse nous est donnée tous les jours par les médias : notre société se dégrade à la vitesse grand V. Les crimes les plus horribles se perpétuent au grand jour. Les prisons sont pleines à craquer et les gouvernants dépassés par la situation. Quels aspects de notre liberté peuvent-ils vraiment être présentés comme un modèle à suivre ?

L’extrémisme n’existe pas seulement dans les sociétés théocratiques. Il existe évidemment de ce côté-ci aussi. Il n’est pas moins grave ou moins porteur de mauvais fruits. Paradoxe : la tolérance est une valeur portée à un si haut niveau qu’elle rend intolérant au plus haut point ceux qui s’en réclament. Quiconque ose dire désormais que telle chose est mauvaise et telle autre bonne est un intégriste. Le premier qui dit que la vérité existe sera exécuté. On ne parle pas comme cela, voyons : ce n’est pas bien. Cela risque de faire mal aux autres, de les juger.

Le pauvre peuple, lui, ne voit rien. Il sait seulement que, dans les sociétés théocratiques, la liberté n’existe pas et que le pouvoir est tenu par des groupuscules qui agissent dans l’ombre, au plus haut sommet des Etats. Comme s’il en était autrement dans notre société ! Comme si les lois que l’on nous propose n’étaient pas d’abord travaillées et élaborées dans des clubs fermés, des loges et des sociétés secrètes à laquelle sont affiliées les plus hautes autorités ! Ne soyons pas naïfs : d’un côté comme de l’autre, il y a des gardiens du temple… qui pensent pour vous et contrôlent le système…

Conclusion

Que retenir en conclusion ? La première chose est que l’évaluation de la gravité d’un mal dans une société est toujours liée à la valeur ultime à laquelle elle se réfère : soit Dieu, soit l’homme. Tant que nos sociétés ne l’auront pas compris, elles continueront à se jeter des pierres et à se diaboliser mutuellement. 

La seconde conclusion est une constatation. Nous pouvons courir le monde entier. Nous ne trouverons pas meilleur que Jésus comme point d’équilibre entre la théocratie et l’humanisme. A la question de savoir quel était le plus grand commandement, Jésus répondra : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C’est là le grand commandement, le premier. Un second cependant lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendant toute la loi !

Jésus est venu dans ce monde pour deux raisons : défendre la cause de Dieu devant les hommes, et défendre la cause des hommes devant Dieu. Personne plus que lui n’a autant aimé Dieu et les hommes. Personne n’a été aussi radical que lui envers le mal et aussi compatissant envers ceux qui le commettent. C’est de sa sagesse et de son exemple que nos sociétés, laïques et religieuses, ont besoin !

Visitez : www.gillesgeorgel.com/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'article est intéressant et l'auteur résume bien les grandes lignes d'une opposition morale insoluble.
Le débat n'est cependant à mon sens pas réellement circonscrit.

Si l'on considère un régime politique règlementant les moeurs d'un état, comprenons les institutions de notre vie quotidienne, les lois seront les ordres qui rÈgleront le fonctionnement du corps social.
Les récits mystiques donneront les clés, le coeur d'un projet de sociéte aux élites, qui chercheront à établir cette société.

Les religions universelle sont censés livrés à leurs ouailles des lois codifiant tous leurs aspects de vie et donner à l'homme l'ccasion d'appréhender les mystères de dieu de devenir conscient de sa place dans l'univers.
Elle donne à l'homme son contenu ontologique et astrologigique à partir de récits mystiques.

On voit aujurd'hui qu'au bout des régimes laic se trouve l'apostasie complète, les récits mystique sont remplacés par une histoire pleine de tabous à ne pas questionner, ramenant sans cesse l'homme vers un matérialisme effréne.

On pourrait s'intéresser aussi aux spiritualités orientales,mais il s'agit d'un sujet compliqué.

en tout cas vive les rencontres chrétienne...
http://www.connexion-chretienne.fr/