samedi 10 avril 2010

La chèvre de M Seguin (3)

Le mal de la chèvre de M Seguin !


Un jour, elle se dit en regardant la montagne :

- Comme on doit être bien là-haut ! Quel plaisir de gambader dans la bruyère, sans cette maudite longe qui vous écorche le cou !… C’est bon pour l’âne ou pour le bœuf de brouter dans un clos !… Les chèvres, il leur faut du large.

A partir de ce moment, l’herbe du clos lui parut fade. L’ennui lui vint. Elle maigrit, son lait se fit rare. C’était pitié de la voir tirer tout le jour sur sa longe, la tête tournée du côté de la montagne, la narine ouverte, en faisant Mê !… tristement.

Le mal qui ronge le monde

Le mal qui ronge l’intérieur de la chèvre de M Seguin est bien connu de la Bible. Il est celui qu’elle dénonce également comme l’origine de tous les maux qui, par lui, sont entrés dans l’humanité. Il a pour nom générique la convoitise, ce désir languissant qui nous fait perdre le goût de ce que nous avons pour envier, soupirer après ce que nous n’avons pas… et nous le faire passer comme l’ingrédient indispensable à notre bonheur.

D’où vient la convoitise ? De quel bois ce feu qui, soudain, s’est allumé dans l’humanité, se chauffe-t-il ? Réponse avec le premier texte de la Bible qui traite du sujet, le texte dit de la chute.

La contre-proposition

Nous avons vu que, pour leur bonheur, Dieu avait aménagé un espace idéal à nos premiers parents : un jardin dans lequel poussaient toutes sortes d’arbres bons à manger et à voir. Adam et Eve y étaient ensemble, avec comme seule contrainte un interdit qui avait pour but de mettre à l’épreuve leur liberté.

Nous ne savons pas quels choix auraient fait nos premiers parents s’ils étaient restés seuls dans le jardin. Vint un jour cependant où, sous une forme déguisée, un intrus y pénétra pour leur faire, face à la proposition de Dieu, une offre nouvelle. Prenons le texte tel qu’il nous est rapporté :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a–t–il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme dit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez pas du tout ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal : La femme vit que l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement. : Genèse 3,1 à 6

Essayons de décortiquer les couches de ce fruit de la convoitise qui, tel l’oignon, produit tant de larmes lorsqu’on atteint son cœur !

L’oignon de la convoitise

1ère couche : le doute sur le Propriétaire et sa parole

Le premier mis en cause par l’intrus est Dieu, le Créateur, l’Auteur du projet de bonheur pour l’homme. Ce que l’intrus sème d’abord est le doute sur la parole de Celui-ci. Cette introduction en ouverture du dialogue est un préliminaire. Il a pour but de préparer le terrain à la proposition qui va être faite.

2ème couche : le doute sur le Propriétaire et ses intentions

Nous sommes ici au cœur de ce qui va décider du choix futur d’Eve et d’Adam. Après le doute sur la parole de Dieu, le soupçon se porte sur ses intentions. Dieu sait quelque chose sur ce qui pourrait procurer un bonheur encore plus grand aux hommes, mais il ne le dit pas. Au contraire, Il le cache !

Ce quelque chose de caché est comme la montagne qu’aperçoit la chèvre de M Seguin depuis son enclos. C’est l’inconnu, mais il est porteur de tant de promesses de liberté qu’il suffit, rien qu’à y penser, à faire détester à la chèvre sa condition présente. « Mon maître dit m’aimer, se dit-elle. Mais tout ce qu’il me donne en guise d’amour, c’est une prison dorée. »

Au cœur de toute convoitise se trouve toujours les mêmes éléments : le refus de la limite perçu comme une barrière, un obstacle au bonheur. Les bois auxquels se nourrit le feu de la convoitise portent toujours les mêmes noms. Ils se nomment indépendance, insoumission, autonomie… à l’égard de Dieu d’abord, perçu comme un être étriqué, un tueur de liberté, un gâcheur de fêtes...

3ème couche : l’insatisfaction, le mécontentement

Le feu de la convoitise, c’est le feu de l’envie, de l’insatisfaction, du mécontentement. Comme le feu qui, toujours, a besoin d’aliments, celui en qui il brûle ne dit jamais « Assez » mais « Encore ». Ce feu est également comparé dans la Bible à un ver rongeur, un ver intérieur dont l’action malfaisante a deux effets : le premier est qu’elle rend malade celui en qui il habite, le second est qu’elle ôte de sa bouche la saveur des meilleurs aliments. La chèvre de M Seguin en est le vivant exemple : alors qu’elle n’avait jusqu’alors rien à dire sur la qualité de l’herbe qui était dans son enclos, et qui était sa nourriture, la voici tout à coup qu’elle lui paraît fade, monotone, routinière. "C'est bon pour les aurtres, ces nuls que sont l'âne et le boeuf, de vivre dans un enclos, pas pour une chèvre." Au mépris du propriétaire, la convoitise conduit sa victime au mépris des autres "qui ne comprennent rien à la vie, qui sont nuls..."

Tel le feu qui dit toujours « Encore », la convoitise est le monde du besoin perpétuel de nouveauté, le monde du mécontentement, le monde de l’ennui et de la souffrance. Tout, par manque d’espace, devient alors trop petit, insuffisant, insupportable… Le problème apparaît alors clairement : il se situe non dans le changement des conditions extérieures, identiques à ce qu’elles étaient auparavant, mais intérieures. C’est l’attitude de la chèvre de M Seguin à l’égard de ce qu’elle a qui a changé, non l’enclos dans laquelle elle vit, qui est toujours largement suffisant pour elle et dont l’herbe est toujours aussi verte et fraîche.

La convoitise, c’est la fin du contentement et de la satisfaction. Pire, c’est la porte ouverte au malheur et à la mort…

Suite semaine prochaine !

Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus

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