Editorialiste à France Soir, Alexandre del Valle vient de publier Pourquoi on tue les chrétiens dans le monde, la nouvelle christianophobie (éditions Maxima, 360 p., 23,80 €). Il y analyse un phénomène qu’il reconnaît peu admis dans la liste des martyrologies reconnues. Entretien.
Qu’est-ce qui a déclenché votre désir d’écrire sur le sujet de la persécution anti-chrétienne ?
Quand j’étais au Liban, il y a vingt ans, je me suis penché sur le sort des chrétiens du pays. J’ai rencontré beaucoup d’assyro-chaldéens qui déjà fuyaient l’Irak, et étaient accueillis en Turquie, en Jordanie et au Liban. On sentait déjà à l’époque la détérioration de la perception des chrétiens. On voyait surgir dans les populations ce que j’appelle « l’ enseignement du mépris », qui assimilait les chrétiens à des agents de l’étranger, de l’Occident. Ce constat m’a indigné. Ça a été mon premier sujet d’étude. En commençant ce livre qui était tout d’abord dédié aux chrétiens d’Orient, je me suis rendu compte qu’il fallait élargir le sujet, et que l’islamisme n’avait pas le triste monopole de la persécution des chrétiens. L’idéologie du communisme ou l’extrémisme hindou en fait tout autant.
D’où provient cette nouvelle christianophobie ?
On assimile le chrétien à l’Occident honni. Ça n’a plus rien à voir avec le christianisme. Je pense que l’enseignement du mépris, lorsqu’il devient systématique, obsessionnel et médiatique, est dangereux, et peut préparer à de nouvelles solutions finales. Le chrétien doit s’attendre à des persécutions de plus en plus massives, voire à des phénomènes de génocide comme on a pu le voir au Soudan ou au Nigeria. Plus le chrétien est éloigné du pouvoir, plus il devient cet élément persécuté, soupçonnable de ne pas être un bon citoyen. Le chrétien est en quelque sorte la nouvelle figure du mauvais patriote. Il est la victime favorite du totalitaire. Il est dissident par nature.
Selon vous, pourquoi la christianophobie apparaît-elle moins condamnable que les autres «phobies» ?
Parce que le christianisme est considéré comme la religion des croisades, de la colonisation, de l’impérialisme, même si c’est faux. La christianophobie en Europe est logique. Elle est le fait de gens qui ont un complexe parce qu’ils ont intériorisé l’idée selon laquelle le christianisme est la pire des religions, parce qu’elle serait celle au nom de laquelle l’homme blanc a dominé. L’antichristianisme est très lié au sanglot de l’homme blanc. L’Occident qui persécute littéralement son histoire chrétienne et qui déteste son christianisme ne peut être que complice des civilisations qui veulent en finir avec le christianisme. C’est hélas trivial, mais c’est quelque chose que l’on constate : le silence de l’Occident vis-à-vis du drame subi par les chrétiens partout dans le monde. Cela est choquant.
Quel est le remède à cela ?
Ce pourrait être ce qu’un de mes amis, Magdi Cristiano Allam, propose en Italie. C’est un musulman égyptien converti au christianisme, qui a été directeur adjoint du Corriere della sera. « Je ne demande pas à tout le monde d’être chrétien. C’est un choix personnel. Mais je demande la thérapie de l’amour », affirme-t-il. Personnellement, j’aime à évoquer le patriotisme intégrateur. Je pense que l’unique remède à tout cela, à toutes les phobies et aux risques de fractures nationales et sociales, c’est l’amour. Je pense que les valeurs chrétiennes sont universelles. Tout le monde peut y adhérer dans leurs versions temporelles, sans pour autant avoir la foi.
Le tableau dressé par votre ouvrage semble bien sombre : quelle est votre espérance ?
J’ai paradoxalement une très grande espérance, quand je vois le nombre de conversions en Afrique ou en Asie en général. Même si la foi baisse partout dans un Occident matérialiste, on constate que le christianisme est la religion qui progresse le plus. Comment ne pas être optimiste à l’échelle de la planète, même si cela est difficile à l’échelle européenne ? Notons aussi que lorsque Nicolas Sarkozy ose dire ce que la France doit à ses racines chrétiennes, c’est presque révolutionnaire. Peut-être, depuis le film sur les moines de Tibhirine, faut-il voir une petite renaissance ?
Qui sont vos lecteurs ?
Mon lecteur est le défenseur des droits de l’homme. J’apostrophe ceux qui veulent s’indigner. Je veux montrer que les médias sont remplis de causes « bien-pensantes » et que celle des chrétiens persécutés n’est pas assez défendue. Il existe de nombreuses martyrologies homologuées. Mais il faut garder une capacité d’indignation pour les innombrables victimes chrétiennes dont on ne parle pas.
propos recueillis par Raphaelle Autric
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