Didier Decoin et la Bible
Chez cet écrivain passionné, ce livre n'est pas un coup de coeur soudain. La Bible, il la fréquente depuis son enfance au sein d'une famille croyante. Dans sa maturité, il a décidé d'en parler, entre amis, sans prétendre convertir quiconque. En parler comme on le fait d'une ville dont on a apprécié les beautés, ou même d'une bonne bouteille. Decoin veut simplement partager, dire ses émotions et son bonheur, son angoisse et sa piété, telles qu'elles lui viennent quand il ouvre le Livre. Mais comment faire pour transmettre ? Il y a tant de choses dans la Bible, et des choses si diverses en interprétations et en conséquences.
.C'est ici qu'intervient l'idée d'un dictionnaire, et même d'un "dictionnaire amoureux" comme ceux que propose une collection bien installée. Une idée parfaitement adaptée à ce que souhaite l'auteur. Présenter la Bible comme un buffet garni ; révéler ses préférences personnelles, puis laisser les invités picorer à leur guise. Vous aimez les grandes scènes théâtrales ? C'est par ici. Vous préférez la réflexion intérieure ? Goûtez-moi ça. De la méditation ? Un peu d'histoire ? Un peu d'alphabet hébreu ? Servez-vous, à petites doses ou à pleines rasades : il en restera toujours pour les autres. Nous avons même quelques scènes assez lestes, pour les amateurs.
Extrait d’interviews
Quand êtes-vous tombé amoureux de la Bible ?
J'avais 8 ans quand on m'a mis entre les mains un mince petit ouvrage cartonné, L'Histoire sainte, à la couverture d'un bleu triste. Ce condensé de la Bible racontait des histoires extraordinaires. Cela m'enchantait. C'était du « super-Tintin », je croyais que tout était vrai. J'allais aussi au caté, mais le curé nous enseignait relativement peu la Bible, se limitant au Nouveau testament et aux quatre évangiles.
Enfant, vous étiez fasciné. Aujourd'hui, quel est votre regard d'homme sur la Bible ?
La Bible fut écrite il y a 5 000 ans, c'est la datation que l'on donne en général. Cette très vielle histoire reste d'une étonnante modernité, avec des prolongements contemporains. Que serait le jazz sans la Bible, les gospels n'existeraient pas ! Que serait le cinéma sans la Bible ? Tout un pan du cinéma hollywoodien, Ben Hur, Les dix Commandements, n'existeraient pas ! Que serait la littérature ? La peinture ? « La Bible reste la plus grande source de poésie de tous les temps », disait Marc Chagall.
Quels personnages bibliques vous marquent le plus ?
Abraham, Job, Joseph, Caïn... me font beaucoup réfléchir. Prenez Caïn et Abel, ce premier meurtre sert de référence à tous les affrontements fraternels, qu'ils soient le fait d'individus, de groupes, de sociétés, de nations. Au-delà de ces personnages, la Bible n'est pas un truc ringard. Il y a à gratter quelque chose qui donne du sens à la vie des hommes d'aujourd'hui.
Le conteur que vous êtes rend la Bible extraordinairement vivante. En quoi continue-t-elle de parler aux hommes d'aujourd'hui ?
Au contraire du Coran, dans lequel l'islam entend la parole même d'Allah, scrupuleusement transcrite par Mahomet, la Bible n'a pas été écrite par Dieu sauf, à la rigueur, la Loi « dictée » à Moïse. En fait, la Bible est un livre profondément humain, écrit par des hommes à l'intention d'autres hommes. Les Evangiles eux-mêmes, qui sont les textes sans doute les plus exactement proches de la parole de Dieu, n'en sont pas moins l'œuvre d'êtres humains. Je trouve bouleversant que Dieu nous ait confié la responsabilité inouïe de « Le » raconter et de « Le » faire parler, sous son inspiration, sous sa « rédaction en chef ».
Quel est son enseignement le plus actuel ?
Peut-être le rappel insistant que l'être humain n'a de sens (et donc d'existence) que relié à d'autres hommes. Au fond, l'aventure inouïe que relate la Bible commence par une condamnation sans appel de la solitude : «Le Seigneur Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je vais lui faire une aide qui sera son vis-à-vis» (Gn 2, 18). Ce mot de « vis-à-vis » est pour moi une des clés de la Bible.
Quel est le livre biblique qui vous touche le plus ?
Sans hésitation, le livre de Job, parce qu'il pose la question lancinante par excellence, celle qui résonne à travers toute l'histoire humaine : pourquoi la souffrance du juste, de l'innocent ? Ce livre entrouvre une porte : la réponse existe, quelqu'un la connaît, et ce quelqu'un est Dieu. Cette idée est clairement exprimée à la fin du livre, lorsque YHWH « engueule » Job dont les plaintes sont apparemment autant d'insultes à la toute-puissance du Créateur. Et Dieu de rappeler à Job les merveilles de sa Création, depuis les plus vertigineuses - les mystères de l'Univers - jusqu'aux plus attendrissantes, la naissance des faons, leurs premières gambades dans les prés.
Vos pages les plus personnelles concernent Jésus. Pourquoi vous touche-t-il autant ?
Ce passage est celui qui m’a donné le plus de mal. Je ne savais pas comment en parler, comment parvenir à faire comprendre que, pour moi, Jésus est vraiment fils de Dieu, donc Dieu. Un jour, dans une émission de radio, j’ai eu une prise de bec avec Pasolini car il avait terminé son film « L’Evangile selon saint Matthieu » sur la crucifixion. Or, on ne peut pas arrêter la vie de Jésus comme s’achèverait celle d’un homme. Il faut montrer, à travers cet homme, la puissance de Dieu. C’est ce que j’essaie de faire. Jésus est unique, essentiel. Et je sais qu’un jour j’aurai rendez-vous avec lui.
Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus
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