S’aimer soi-même
« Il est important de s’aimer soi-même ». « Celui qui ne s’aime pas ne peut aimer les autres. » Combien de fois n’avons-nous pas entendu dire comme allant de soi de telles affirmations ? Le message, pensent certains chrétiens, est en accord avec la Bible. Le commandement de l’amour ne prescrit-il pas d’aimer les autres comme soi-même ? La relation entre l’amour du prochain et l’amour de soi est ici évidente, dit-on. En apparence seulement ! L’amour du prochain est bel et bien un élément constitutif de l’Evangile. L’amour de soi est, par contre, le pur produit de la psychologie moderne. L’idée va à l’encontre même du message de Jésus. Cela nécessite cependant quelques explications.
Fausses idées autour du principe
1ère fausse idée : l’homme serait bon…
L’idée qui est autour du principe énoncé est que les gens qui ont conscience de leur valeur personnelle ne ressentent pas le besoin de faire des choses laides ou méchantes envers autrui. Plus votre estime de soi est élevée, plus vous serez sociables, dit-on. Pour vous améliorer, il vous suffit donc de travailler à l’estime de vous-mêmes, l’image que vous avez de vous. Meilleure elle sera à vos yeux, meilleur vous serez dans votre relation avec les autres.
Sans le dire, cette idée repose sur un autre principe contraire à la conception qu’a la Bible de l’homme. L’amélioration de votre être par une meilleure estime de soi repose sur l’idée d’une nature humaine qui serait bonne et qui ne devrait ses carences qu’à l’environnement. La Bible dit quant à elle le contraire : la nature humaine est déviée, perverse, et le fait de s’aimer soi-même ne peut ôter cette inclinaison innée du cœur. Nous devons nous regarder en face pour avoir une juste appréciation de nous-mêmes. Et, pour qui est honnête, l’image n’est pas belle.
2ème fausse idée : le bonheur sans cadre…
La recherche qui est derrière l’idée de l’amélioration de l’estime de soi est celle du bonheur et de l’épanouissement. Cette recherche est légitime, mais elle comporte nécessairement des limites. Il arrive bien souvent que, contre le projet qu’a un enfant de chercher à faire quelque chose qui le satisfasse, les parents doivent intervenir d’autorité pour l’arrêter. Refuser de le faire, c’est ne pas aimer son enfant, mais construire sans doute son malheur futur. Sans boussole, la recherche de la satisfaction de soi, base de l'estime de soi, peut partir dans toutes les directions, les pires comprises.
Là encore, le désir d’être heureux se heurte à l’obstacle déjà cité. Certes, si la nature de l’homme était spontanément altruiste, toute recherche de satisfaction s’inscrirait dans le cadre du bien fait aux autres. Mais la réalité est totalement différente. Nous ne sommes pas par nature altruistes, mais égocentriques. Les autres sont davantage pour nous des objets que nous manipulons et qui servent à nos intérêts que des êtres humains que nous servons. Freud lui-même le disait : l’homme est un loup pour l’homme (la Civilisation et ses mécontents). « Une grande part de la « preuve » de notre bonté est fondée, non pas sur ce que nous faisons véritablement, mais sur ce que nous croyons que les gens devraient faire. Nous sommes tous meilleurs commentateurs que joueurs : William Kirk Kilpatrick. »
3ème fausse idée : nous sommes ce que nous montrons…
L’idée que les gens ont de nous-mêmes n’est que la demi-version de la réalité. L’autre moitié se compose de toutes les choses que nous n’avons pas faites, mais que nous aurions faites si le regard des autres ne nous y empêchait. Le comportement de beaucoup dans l’anonymat d’une grande ville diffère grandement de celui qu’ils ont devant les gens à qui ils sont associés ordinairement. « Tout homme, écrit C.S Lewis, doit vivre selon l’apparence extérieure d’autres hommes : il sait qu’il y a telle chose en lui, qui est encore bien plus basse que son comportement en public le plus négligé, son langage le plus relâché. Et nul autre ne pourrait deviner, combien ces choses sont familières à votre âme, voire de la même nature qu’elle, combien cela forme un tout (C.S Lewis : The Problem of Pain : 1962).
Autrement dit, nous sommes bien plus mauvais que ce que nous montrons. « Méchants comme vous l’êtes, disait Jésus, vous savez pourtant donner de bonnes choses à vos enfants : Matthieu 7,11. » La vérité est là. Notre nature est mauvaise ; ce qui sort de bien de nous est plutôt une exception que la règle. Nos enfants suffisent à le prouver. « S’emparer brusquement de jouets, refuser de partager, frapper la petite sœur et mentir effrontément pour tout couvrir, cela débute suffisamment tôt dans la vie de l’enfant pour laisser supposer que l’imperfection fatale n’est pas imputable à la société mais à la nature : W.K.K. Le côté visible de notre personne n’est que la pointe de l’iceberg. La plus grosse partie est cachée. Nous seuls (et Dieu) la connaissons.
Conclusion :
Je suis conscient que le sujet mériterait d’autres développements. Il n’est qu’une entrée en matière. Dans le prochain article, je m’attacherai à montrer la vision et la raison bibliques que doit avoir le chrétien de l’estime qu’il a de lui-même. Elle seule le libère de cette recherche à laquelle nous invite la psychologie moderne, recherche qui aboutit si vite à l’attention portée à son égo, à l’autosuffisance, à la manipulation ou à l’arrogance.
Visitez : www.gillesgeorgel.com/