samedi 12 janvier 2008

Erasme (1)



Jeunesse

Né en 1469 à Gouda, dans les Pays-Bas, d’une union hors des liens du mariage, Erasme perdit son père et sa mère de bonne heure. Demeuré seul au monde, le jeune Erasme témoigna une vive aversion pour la vie monacale que ses tuteurs voulaient le contraindre à embrasser. Il lui préférait de loin l’étude des auteurs grecs. Fréquentant l’université de Paris, il sut bientôt trouver dans l’étude des anciens une justesse et une élégance de style qui le placèrent bien au-dessus de tout ce que la capitale comptait d’illustre. Il se mit donc à enseigner, publia quelques écrits et gagna bientôt des amis puissants.

Influence

Quelle a été son influence sur la Réformation ? Elle a été trop exaltée d’un côté, et trop dépréciée de l’autre. Erasme n’a jamais été et n’eût jamais pu être un réformateur ; mais il a préparé les voies à d’autres. Non seulement il répandit dans son siècle l’amour de la science et un esprit de recherche et d’examen qui en mena d’autres bien plus loin qu’il n’alla lui-même ; mais encore il sut, protégé par de grands prélats et par de puissants princes, dévoiler et combattre les vices de l’Eglise par les plus piquantes satires.

Erasme attaqua en effet de deux manières les moines et les abus. Il y eut d’abord de sa part une attaque populaire. Ce petit homme blond, dont les yeux bleus à demi fermés observaient finement tout ce qui se présentait à lui, versait partout de sa plume élégante et mordante des flots d’amertume contre la fausse dévotion et la fausse théologie de son siècle ; la raillerie était devenue sa disposition habituelle. Dans l’Eloge de la Folie, dont 27 éditions parurent au courant de sa vie et qui fut traduit dans toutes les langues, Erasme démontre que la Folie est reine de tous les empires, mais surtout des gens d’Eglise. La Folie d’Erasme ne se contente pas de ridiculiser les moines ou d’attaquer les évêques. Elle s’en prend au pape lui-même. « Y a-t-il, dit-elle, de plus redoutables ennemis de l’Eglise que ces pontifes impies, qui permettent par leur silence que l’on abolisse Jésus-Christ, qui le lient par leurs lois mercenaires, qui le falsifient par leurs interprétations forcées, et qui l’étranglent par leur vie empestée. »

A l’attaque populaire du sarcasme, Erasme joignit l’attaque de la science et de l’érudition. L’étude des lettres grecques et latines avait ouvert de nouvelles perspectives au génie moderne, qui commençait à se réveiller en Europe. Suivant le principe qu’en toutes choses c’est à la source qu’il faut remonter, Erasme demanda que l’on n’étudiât plus la théologie dans Scott et Thomas d’Aquin, mais qu’on allât, pour l’apprendre aux Pères de l’Eglise, et avant tout au Nouveau Testament. Il montra qu’il ne fallait même pas s’en tenir à la Vulgate qui fourmillait de fautes ; et il rendit à la vérité un service immense en publiant en 1546, à Bâle, son édition critique du texte grec du Nouveau Testament, texte aussi peu connu en Occident que s’il n’eût pas existé. « Je veux, dit Erasme, en publiant son Nouveau Testament, ramener à son origine ce froid disputeur de mots, que l’on appelle la Théologie. Plût à Dieu que cet ouvrage portât pour le christianisme autant de fruits qu’il m’a coûté de peine et d’applications. » L’effet de ses travaux surpassa ses intentions. Les théologiens purent dès lors lire la Parole de Dieu dans les langues originales (Reuchlin ayant fait la même œuvre qu’Erasme pour l’Ancien Testament quelques années plus tôt), et plus tard reconnaître la pureté de la doctrine des réformateurs. Reuchlin et Erasme rendirent ainsi la Bible aux savants ; il faudra attendre la venue de Luther pour la rendre au peuple.

Une œuvre prolifique

Erasme, par son œuvre, fit plus qu’il ne pensait. Car, en revenant à la Bible, il rappela ce qu’il y avait dans la Bible. « Le but le plus élevé du renouvellement des études philosophiques, dit-il, sera d’apprendre à connaître le simple et pur christianisme dans la Bible… Je suis fermement résolu à mourir sur l’étude de l’Ecriture : en elle est ma joie et ma paix… Le sommaire de toute la philosophie chrétienne se réduit à ceci : placer toute notre espérance en Dieu, qui, sans notre mérite, par grâce, nous donne tout par Jésus-Christ ; savoir que nous sommes rachetés par la mort de Son Fils ; mourir aux convoitises mondaines, et marcher d’une manière conforme à sa doctrine et à son exemple, non seulement sans nuire à personne, mais encore en faisant du bien à tous ; supporter patiemment l’épreuve dans l’espérance de la rémunération future; enfin, ne nous attribuer aucun honneur à cause de nos vertus, mais rendre grâce à Dieu pour toutes nos forces et toutes nos œuvres : voilà ce dont il faut pénétrer l’homme, jusqu’à ce que cela soit devenu pour lui une seconde nature. »

Les ouvrages d’Erasme se succédaient. Il travaillait sans cesse, et ses écrits étaient lus tels que sa plume venait de les tracer. Ce mouvement, cette vie native, cette intelligence riche, fine, spirituelle, hardie, qui, sans arrière-pensée, se versait à grands flots sur ses contemporains, entraînait et ravissait l’immense public, qui dévorait les ouvrages du philosophe de Rotterdam. Il devint bientôt l’homme le plus influent de la chrétienté, et de toute part on vit pleuvoir sur sa tête et les pensions et les couronnes.

Tiré de "Histoire de la Réformation" de J.H Merle d'Aubigné (1860)

Que sert-il à un homme de gagner le monde entier s'il perd son âme : Jésus

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je mets ce message une 2e fois ne sachant s'il vous parviendra : j'ai beaucoup aimé votre article sur Erasme, et particulièrement la référence à son édition critique du texte grec du N. T. (1546). Ce livre existe-t-il encore ?
Merci de votre lien à mon site.
Marike